Le podcast

Tribadour, c'est un podcast qui raconte la vie lesbienne à travers la musique.
Au fil des épisodes, les invité·es nous partagent leur playlist biographique. À travers des chansons qui ont accompagné leurs petites joies, leurs grandes découvertes, leurs chagrins ou encore leurs espoirs, nos invitées nous livrent des événements qui ont marqué leur vie lesbienne.

Découvre la présentation du podcast dans cet audio en moins de deux minutes !

La transcription se trouve juste après.

Transcription
“- Vous êtes lesbienne ?
- Doux Jésus…”

(Réplique du film “4 mariages et un enterrement”)

Extrait de Colette Mars - La garçonne.

Extrait de Mylène Farmer - Maman a tort.

Extrait de Mecano - Une femme avec une femme.

La musique est puissante.

Elle a le pouvoir des émotions en nous rendant heureux ou triste. Elle a le pouvoir de la mise en mouvement en nous faisant danser ou manifester. Elle a aussi le pouvoir de mémoire : la mémoire collective par les chants populaires de victoire, de lutte ou de drame qui nous rassemble autour d'un même souvenir mais surtout elle a le pouvoir de mémoire autobiographique : en quelques notes, nous sommes transportés en un lieu, une époque, une émotion de notre vie. Par une musique, une chanson, le souvenir s'ancre en nous et à chaque écoute nous revient sans effort.

Tribadour, c'est le nom de ce podcast. Il porte deux idées : la tribade et le troubadour. La tribade c'est la lesbienne, le troubadour c'est le messager colportant les histoires en musique de lieu en lieu. Dans ses épisodes, les lesbiennes vont se raconter en chansons. De tous âges et de tous horizons, elles nous partagent les titres qui ont marqué leur vie de lesbienne : l'enfance, l'adolescence, le premier amour, le coming-out, la rupture, la lutte, le deuil… Tribadour a collecté ces témoignages qui constitue une ébauche d'archive de la culture musicale lesbienne plurigénérationnelle. On a hâte de vous faire écouter ces histoires.

Extrait de marguerite - les filles, les meufs.

Tous les épisodes

Dernier épisode

Épisode 1 : Anouk

20 minutes

Fille de la montagne

06 novembre 2025

Tribadour, la bande originale des vies lesbiennes.

Moi c'est Anouk, j'ai 30 ans et je suis née à Grenoble. Donc voilà, fille des montagnes. Je vis avec 5 amies qui sont vraiment des sœurs et on s'est créé un petit cocon refuge et on a décidé de vivre ensemble depuis 5 ans et c'est vraiment un lieu qui fait du bien de se retrouver entre meufs, entre copines et d'être là dans le quotidien.

J'ai passé une enfance plutôt heureuse. J'avais beaucoup de chance de vivre dans un petit village en Belledonne donc dans les montagnes dans le sud de la France, vers Grenoble, dans une grande famille. Je suis l'aînée d'une famille de 4 enfants, c'était un peu le bazar à la maison. Mais un joyeux bazar. C'est pour ça aussi que j'aime bien vivre entourée, un peu en communauté avec plein de personnes.

J'étais quand même une petite fille un peu timide, introvertie, un peu anxieuse, avec un un petit trouble anxieux généralisé. C'était plutôt bien de vivre dans la montagne, près des animaux et dans une famille aussi assez chouette.

Alors je suis retombée il n'y a pas très longtemps sur une vidéo de moi qui chantait à tue-tête à 5 ans, qui faisait un concert avec mon frère. Et je chantais une chanson d'Alizée qui est quand même assez crypto lesbienne, donc ça m'a fait un peu un peu rigoler et on adorait la chanter « Moi je m’appelle Lolita ». Donc des fois quand je replongeais en enfance, je me mange un peu tous les tous les albums d'alizée avec gourmandise aussi. Donc ça c'est la chanson qui me transporte un peu en enfance. Moi j'ai toujours trouvé qu'alizée était un peu crypto lesbienne et du coup je me dis Ah elle était déjà là ma star quand j'avais 5 ans et que je prenais le micro et que je faisais petit concert avec mon frère donc ça fait plaisir.

Extrait de Moi…Lolita par Alizée

En fait, ça a été très progressif parce que pendant cette période de l'adolescence, j'ai eu des relations très fortes avec des femmes qui ont compté beaucoup plus que les relations que j'ai eues avec des mecs. Dans l'affect que j'avais pour ces personnes, le temps que je passais avec elles, je n’identifiais pas du tout pourquoi. Je pensais juste qu'être amie, c'était aussi avoir des relations très fortes et fusionnelles.

Après, en post bac, j'ai commencé par faire 2 ans de prépa littéraire à Grenoble et j'ai rencontré là-bas une fille. Ça a été une personne qui a été hyper importante dans ma vie de jeune adulte. On passait des heures à avoir des discussions interminables. Je me souviens, dans son 9 m² étudiant, à disserter des nuits entières. Et cette personne, je l’identifiais comme une amie. En fait, on s'embrassait tout le temps quand on buvait de l'alcool en soirée. Sinon c'était totalement une relation d'amitié. Et moi je commençais à avoir justement un peu cette fenêtre des possibles ouverte de me dire, ah ben je peux éprouver du désir pour des meufs, même si je ne me projetais pas dans cette relation, et me dire que c'était possible. Donc au début ça passait par fantasmer d'avoir un plan à 3 avec elle et son copain. Et là j'ai l'impression qu'il y a une case qui a un peu pété et qui s'est ouverte aussi grâce à elle.

C'est plutôt lié à la temporalité, mais c'est lié à la sortie du film La Vie d'Adèle et à la musique de sa BO, « I follow rivers ». Je l'ai écouté vraiment 1000 fois en regardant aussi le clip de la bande-annonce de La Vie d'Adèle. Je pense que ce n’'était pas très loin du moment où il y avait la Manif pour tous. Je commençais à prendre conscience de nouvelles choses.

Anecdote un peu rigolote, un peu la loose. Mais je suis allée voir La Vie d'Adèle avec ma mère et mon frère au cinéma. Ben c'était vraiment la pire chose qui puisse se passer et c'était hyper gênant.

Extrait I Follow Rivers - Lykke Li

Je suis partie de ma montagne pour arriver à Lille en 2015 après 2 ans de classe préparatoire. Le travail, quelques petites fêtes, mais bon, c'était pas trop ça. Et j'ai rencontré à la fac une meuf dont je suis tombée éperdument amoureuse. Je n'avais pas prévu ça dans le programme et j'ai choisi cette chanson parce que c'est lié. Je l'écoutais beaucoup à ce moment-là. Et c'est lié aussi au film Les Amours Imaginaires de Xavier Dolan, où y a une scène de fête, il y a des stroboscopes et tout le monde danse et un des personnages principaux se transforme en statue grecque. Et c'est un film que j'ai regardé avec cette personne.

Mon coming out, ça a été quand même un peu un dossier. En fait, j'ai l'impression d'être tombée amoureuse assez naturellement de cette personne, sans réaliser ce qui allait m'attendre par la suite. C'était en période de fin d'année, donc fin 2016, où j'étais à la fac et j'avais des périodes de partiels et elle était juste devant moi dans la classe, quand on devait rédiger les partiels. Je n'avais aucune capacité de me concentrer parce que j'étais vraiment trop focalisée sur elle. Et quand on s'est embrassées pour la première fois, c'était vraiment une explosion d'émotions dans le corps et je me suis dit, waouh, c'est ça d'être amoureuse de quelqu'un.

Et après le coming out, ça a été une autre histoire parce qu'avec ma famille; ça ne s'est pas super bien passé en fait. Je suis partie quelques mois après en Arménie. Je voulais passer absolument la majorité du temps avec ma copine de l'époque pour ne rater aucun moment parce que je partais quelques mois plus tard en Arménie. Et du coup j'ai dit à mes parents, il faut que je vous dise quelque chose. Ça a été un peu le drama, alors que bon, le meilleur pote de ma mère est gay. On a été éduqués dans des valeurs de tolérance, de respect, d'amour de l'autre. Je me souviens d'en discuter au début, j'en ai parlé avec mon frère, avec des amis qui me disaient : « mais, il n’y a aucune raison que ça se passe mal. Je suis sûr que ça va bien se passer. Te prends pas trop la tête ». Et ça a été un peu le drama.

Je me souviens très bien d'avoir dit à mes parents le matin, il faut que je vous dise quelque chose, parce que ma copine devait arriver dans quelques jours. On s'est retrouvés le soir au restaurant et c'était un peu n'importe quoi. Ils se sont mis à fondre en larmes. Ma mère m'a dit, « tu ne seras jamais heureuse ». Et mon père me dit, « bon, c'est ton choix de toute façon ». Donc ça a été un peu dur et après je pense que j'étais soulagée en quelque sorte de leur avoir dit, mais ça, a été un peu difficile après d'assumer le fait que j'étais amoureuse d'une fille.

Et c'était très bizarre le décalage entre, être vraiment très heureuse de ressentir ça, et puis de voir queça n’était pas trop ce que prévoyaient mes parents pour moi. Et j'étais très déçue de toutes les valeurs qu'il m'avait inculquées et qu'ils ne suivaient pas dans la réalité. En gros, ça va bien chez les autres, quand c'est pas dans sa famille.

Heureusement, ma famille choisie, mes amis m'ont super bien accueillie, ma fratrie aussi. Mon frère et mes sœurs étaient trop mimis avec moi. Je me souviens de mes petites sœurs qui étaient vraiment toutes petites, qui avaient 12 ans et 10 ans et qui nous dessinaient dans des petits carnets, en mode « Oh vous êtes trop belles ensemble » et tout ça. J’avais quand même des personnes qui étaient avec moi, mais c'était pas super évident, et du coup, j'ai eu du mal à assumer cette relation, dans les espaces publics, de tenir sa main dans la rue. Et ça m'a pris du temps d'assumer ça.

Comme j'incarne un peu les codes de la féminité, tout le monde m'a dit, « Ah mais, toi t'es lesbienne ? Comment c'est possible ? T'es tellement féminine. Qu'est-ce qui se passe ? ». En fait, j'avais toutes les projections de personnes de mon entourage en me disant, mais toi, comment c'est possible ? Donc voilà, c'était le coming out a été un petit peu mouvementé, mais j'ai eu beaucoup de chance d'être très bien entourée par mes amis, notamment mes amis à Lille qui m'ont bien épaulée, et aussi ma fratrie.

Et cette chanson, elle ouais, je me souviens vraiment des premiers moments de découvrir la sensation d'être amoureuse, de ne pas voir le temps qui passe, d'être dans un amour très fusionnel, de ne pas avoir envie que la personne s'éloigne de toi. Enfin, c'était vraiment un peu mon premier amour.

Extrait de Pass this on - The Knife

Une chanson que j'ai beaucoup écoutée pendant la rupture de cette grande et première histoire d'amour, c'est une chanson de Mansfield.TYA, « Mon Amoureuse ».

J'aime bien l'image de la mer. Tu sens que la personne s'éloigne, elle revient, elle s'éloigne. Et puis à un moment, ça part quoi. J'aime trop quand elle chante : elle emporte avec elle ses pensées secrètes, ses draps et ses dentelles, ses cendres de cigarette. C'est exactement ça. C'est comme si la personne, surtout si après tu coupes un peu les liens, tu as l'impression d'avoir partagé quelque chose d'hyper fort avec quelqu'un, qui t'a construit, qui vraiment partageait une intimité extrêmement forte. Et puis la personne qui part du jour au lendemain et qui part avec ses pensées secrètes, tu coupes le lien et du coup, tu n’as plus accès à cette personne.

Extrait de Mon Amoureuse - Mansfield.TYA

La chanson que j'aime chanter à tue-tête : alors, j'ai choisi une chanson d'une chanteuse que j'aime de tout mon cœur qui s'appelle Ashnikko, et ça s'appelle « Slumber Party ». Ashnikko, je l'adore parce que c'est une meuf qui est super kawaii, super cute, et qui est ultra misandre. Et là, j'adore qu'elle ait utilisé le thème de la Pyjama Party, un peu genre, oh trop mimi, des filles qui se retrouvent. Et de détourner ça, en mode, en fait, elle va te piquer ta copine, parce qu’elle lui fait un cunni sur le canapé.

Je la trouve marrante. Et pour revendiquer le lesbianisme, j'aime bien cet angle-là, de dire attention, on n'est pas que des petites meufs trop mignonnes. Et les images de la chanson, elles sont assez drôles. Et la Pyjama-Party, voilà, ça donne un peu d'autres idées de ce que sont les meufs lesbiennes. On ne se fait pas que des câlins et des petites tendresses quoi. Voilà, elle me fait marrer cette chanson.

Extrait de Slumber Party - Ashnikko

Alors une chanson doudou, que j'ai beaucoup écouté. Quand je suis vraiment déprimée, j'écoute Soko, ça veut vraiment dire que ça va pas, tu vois. Et quand ça va un peu mieux, j'écoute Clara Ysé.

La chanson que j'aime trop, qui met un peu du baume au cœur quand t'as des petits coups de mou, c’est « Le Monde s'est Dédoublé ». Elle l'a écrit quand elle a perdu sa maman. Sa maman a eu un accident assez tragique, elle a essayé de sauver des personnes d'une noyade et elle les a secourus et elle s'est noyée.

Et elle a écrit justement cet EP après. Et c'est pour parler du fait que, dans les tragédies ou les accidents de la vie, il y a des lumières aussi qui éclairent, qui font du bien. Bien sûr, on est sur des échelles différentes dans la souffrance, mais je trouve qu'elle fait du bien cette chanson, elle emporte. Ouais, je l'aime bien Clara Ysé, cœur cœur. C'est la tendresse quoi. Clara Ysé, elle est trop mimi. Ouais, c'est une chanson doudou qui fait du bien quoi.

Extrait de Le Monde s’est Dédoublé - Clara Ysé

La chanson pour pécho, arme fatale de séduction, c'est « Grace » de Kae Tempest. Je la trouve trop belle, pas pour pécho, mais arme fatale de séduction.

C'est plutôt si t'as envie de déclarer ta flamme. Moi, je suis peut-être trop fleur bleue, mais je ne me vois pas juste pécho quelqu'un comme ça pour le pécho. Si j'ai envie de rencontrer quelqu'un et de partager mon intimité, j'ai envie que cette personne, je ne sais pas, elle me touche,... de partager des choses avec elle. C'est pour ça que, cette chanson, elle faisait écho à ça dans le sens crusher quoi.

Extrait de Grace - Kae Tempest

Vous venez d'écouter le premier épisode de Tribadour, un podcast imaginé par Adeline Lamiaux. Ça, c'est moi.

Cet épisode pilote n'a pas la qualité audio que j'espérais, mais j'apprends sur le tas et de mes erreurs. Ce n'est pas mon métier. Les prochains épisodes seront meilleurs de ce côté-là, je vous promets !

Mais cela ne retire en rien à la qualité du récit d'Anouk que je ne remercierai jamais assez de s'être prêtée à l'exercice et d'avoir essuyé les plâtres avec moi. La table en métal dans le jardin avec les shots de rhum, ce n'était peut-être pas la meilleure idée. En tout cas, ce moment d'échange a été précieux, drôle, émouvant et chantant.

Je tiens aussi à remercier toutes les belles personnes autour de moi qui me soutiennent sur ce projet et plus particulièrement Elsa, Maïlys, Zelda et Sonia. Cœur sur vous.

Hâte de vous faire découvrir d'autres histoires. A bientôt !

À propos

Je suis Adeline, je vis dans les Hauts-de-France, je suis née en 1980.

La musique et les chansons ont toujours été partie intégrante de ma vie.

  • Les vinyls de Carmen par La Callas ou de Brassens dans ma petite enfance ;
  • Le petit transistor que mon frère et moi écoutions religieusement crachouiller Niagara ou Étienne Daho ;
  • L'autoradio qui diffusait les K7 best-of de la Compagnie Créole ou Julien Clerc sur la route des vacances ;
  • La chaîne hi-fi devant laquelle j'attendais fébrilement le passage annoncé en radio de mon titre préféré du moment, les doigts crampés sur les touches rec et play du lecteur k7 ;
  • Les compils CD que l'on s'échangeait entre potes au lycée ;
  • Les premiers mix en soirées étudiantes ;
  • Les nombreux concerts ;
  • Les premiers pas à la radio ;
  • Les chants partagés militants…

Certaines chansons m'ont même poussée à me dépasser et des paroles finissent tatouées.

La musique est un langage universel, je veux rencontrer celleux pour qui les chansons ont jalonné l'existence et ont marqué des moments importants, comme ça a été le cas pour moi.

Music makes the people come together
Madonna, Music, 2000.
All we've got is each other, and the music, to keep us warm
Ebony Bones, The Musiz, 2009.
Music is where I meet my friends
C.S.S., Music is my Hot Hot Sex, 2005.
To live without my music, Would be impossible to do, In this world of troubles, My music pulls me through
John Miles, Music, 1976.